Lorsqu’on est touché par la mort d’un proche, d’un animal, ou lorsque nous vivons une épreuve, nous nous mettons en résistance face aux évènements. Nous vivons alors des pertes, qui nous amènent à entamer ce qu’on appelle des chemins de deuil. Tout d’abord c’est le choc, le déni. Notre mental se met en mode « protection ». Non ce n’est pas possible, ce n’est pas réel ! Je vais le revoir, je vais de nouveau le toucher ! Il va revenir, il ne sait plus ce qu’il dit ! Je vais y retourner demain, ça va aller mieux ! Ils se sont trompés dans leur diagnostic, ça va fonctionner ! Ce n’est pas un sentiment volontaire. Seulement notre moyen inconscient de nous protéger face à cette résistance, ce drame, cette épreuve qui nous met à mal. Puis vient la prise de conscience de la perte, de ce qui ne sera plus. Et là c’est le tourbillon des émotions qui se met en mouvement. Tristesse, peur, culpabilité, colère … C’est un flot de sentiment et d’émotions qui nous envahi de manière aléatoire, en fonction de chaque individu, du lien avec la perte. En acceptant d’accueillir ce qui vient, en l’exprimant dans un contexte bienveillant, ce chemin se fait, pas après pas, jusqu’à trouver l’apaisement. Tout comme chacun de vous, j’ai au cours de ma vie eu de nombreuses résistances, de nombreuses pertes, et certaines plus douloureuses que les autres. Il y a une chose qui pour moi c’est vécu plus difficilement lors de mes plus grosses épreuves dans mes chemins de deuil. C’est cette fameuse phrase : « Tu as bonne mine, ça a l’air d’aller » ! Et à chaque fois en réponse je souriais, n’osant pas avouer la vérité.
Les apparences ! De quelles manières s’imposent-elles à nous ?
Dans la phase de choc et dénis, nous pouvons paraitre fort. Mais c’est surtout que viscéralement, nous ne prenons pas la mesure de ce qui se passe. Notre cerveau a choisi de nous protéger en occultant cette réalité. C’est comme s’il y avait un problème électrique et qu’un des fusibles avait sauté pour protéger l’installation générale. Nous paraissons calmes, déconnecté de cette réalité. Nous racontons dans les moindres détails, sans être submergé par les émotions. Certains diront : Elle parait forte ! Dans la phase du tourbillon des émotions nous devons faire face au regard des autres. Celui qui déculpe notre sentiment du moment, notre douleur profonde. Souvenez-vous, chaque mot est vécu et interprété puissance 10. Nous ne voyons que ce qui nous rappelle notre perte. J’ai perdu mon bébé, je ne vois que des femmes enceintes … Diverses raisons nous poussent à mettre le masque du sourire lorsque l’on traverse cette spirale émotionnelle. Il y a d’abord le sourire instantané, celui qui survient l’espace de quelques minutes, qui dessine la joie sur notre visage. Si il se dessine par un véritable sentiment de joie (Il n’est pas rare par exemple de rigoler lors du verre de l’amitié après un enterrement, en se remémorant de bons souvenirs avec le défunt), Il n’enlève en rien à la douleur du cœur. Il est un moment de répit dans ce tourbillon Il y a le sourire, le brin de maquillage, les cheveux peignés, que l’on prend soin de faire car l’on va avoir un interlocuteur face à nous. Je mets mon masque car, je n’ai pas la force d’étaler ma peine, car ma culpabilité est tellement profonde que d’en parler me détruirai encore plus. Je n’ai pas envie, je n’y arrive pas, je suis vidée. Il y a ce visage qui semble apaisé et qui ne pleure même pas lorsqu’on reparle de l’évènement. Pas une larme car la tristesse est bloquée, elle n’arrive pas à sortir. Elle voudrait mais le cœur et le corps n’est pas en capacité pour le moment. Il y a cet instant de danse à la soirée des copains, où le masque festif s’est emparé de ce visage si triste derrière.
C’est ce que les autres voient, ce qui est visible. Alors, comment réagir face à ces masques ?
Si je vis ce deuil et que je me pare de ces masques consciemment ou inconsciemment, alors :
- Mettez le masque qui vous met le plus en sécurité, sans culpabilité. Écoutez ce qui est bon pour vous à cet instant !
- Ne vous jugez pas !
- Assumez-les, vous êtes légitime dans vos moyens de protections temporaires. Vous seul vivez ce deuil, et chaque deuil est unique.
- A cette fameuse phrase : « tu as l’air d’aller bien !!! » Osez répondre si vous le souhaitez par « Non ça ne va pas, mais là j’ai plutôt envie de me changer les idées que d’en parler ».
Si vous êtes face à ces masques :
- Ne dites pas : ça à l’air d’aller ! mais plutôt : Ce que tu as traversé est indescriptible, mais si tu as besoin d’en parler je suis là.
- Ne dîtes pas : « Tu as vu, elle l’a vite oublié, elle sort tous les week-end » mais proposez lui plutôt de sortir dans des lieux bienveillants.
- Ne spéculez pas sur un état émotionnel, car le masque est fort pour cacher ce qui se vit au fond de soi.
- Soyez à l’écoute des petites perches tendues qui appellent à poser les questions qui baisseront ce masque.
Si je ferme les yeux, je me souviens au décès de mon bébé, après ma séparation douloureuse, ou après mon burn-out , ces jugements involontaires de mon entourage face à ces masques qui m’ont fait tant souffrir. Mais cela m’a vraiment fait échos il y a peu. Peu de temps après le décès de ma grand-mère, j’ai eu une réunion de travail en visio où « j’avais bonne mine ». Ce masque qui signifiait que j’allais bien faisait son petit effet. Je n’ai rien dit à cette affirmation de bonne mine. J’étais encore de cette étape de mi conscience- mi dénis. J’avais envie de lui dire : « Non ça ne va pas trop », mais j’étais vidée émotionnellement et était incapable d’en parler. A la suite de cette rencontre je devais réaliser mon article de blog et j’avais tout de suite pensé à l’héritage, en mémoire à ma grand-mère. Mais le lendemain soir, je me suis effondrée, en larme, lorsque la prise de conscience a pris le pas sur le déni. J’ai accueilli ces pleures et par la suite je me suis dit que laisser ce masque, à ce moment-là, sans traduction pour mon interlocutrice, me faisait plus de mal qu’il ne me protégeait. Alors j’ai décidé d’écrire cet article, afin de de mettre des mots sur ces apparences internes et externes que chacun de nous vie à un moment dans son parcours.